La pression médiatique s’accentue de jour en jour sur notre territoire. Partout la signalétique se multiplie et s’impose de plus fortement et « naturellement » aux regards. Les médias nationaux ne connaissent plus que l’Occitanie et nos sites emblématiques s’y trouvent domiciliés sans autre forme de procès : le Canigou ( allez donc écrire Canigó avec un clavier français !), Collioure avec son clocher, Perpignan et son Castillet sont dorénavant des sites occitans. Le petit train jaune serpente dans les montagnes occitanes. Toutes les offres touristiques conduisent en Occitanie. Les pruneaux d’Agen sont dans la même enveloppe occitane que les anchois de Collioure. Les toponymes sont maltraités ; les cartes sont monocolores. Le Roussillon a disparu avec le Languedoc-Roussillon ; il n’est pas besoin d’un savoir sémiotique pour le constater.
Quand disparaît de l’univers perceptif le signe qui représente, il n’y a plus dans les esprits la chose que le signe représentait.
Le processus d’effacement est continu, inexorable, cumulatif, insidieux, plus rapide qu’on ne pouvait l’anticiper. Bien entendu quelques médecines sont distribuées : des subventions par-ci, des beaux discours par-là, un Office en guise de perfusion pour la langue catalane … Ce dispositif est d’autant plus efficace qu’il n’y pas de vindicte particulière de la part du pouvoir régional à l’égard des catalans. Rien de comparable à l’offensive menée par Georges Frèche avec sa Septimanie et sa machine de guerre médiévale. Les communicants de la région n’ignorent sûrement pas le problème et ils l’ont pris probablement en considération au tout début. Mais quelle complication pour faire exister un territoire aussi minoritaire sans mobiliser des surcoûts hors de proportion et pénalisants vis-à-vis de la concurrence. Une logique d’oubli nécessaire s’est mise en place, indolore voire parfumée. Le problème catalan disparaît sous la houlette de la bienveillance régionale.
Quand on fait un bilan aussi désolant que celui qui précède, on arrive évidemment à la question classique : « Que faire ? »
Cette question toutes les organisations locales, politiques, associatives de tout type, et plus particulièrement celles qui se déclarent « catalanes » dans leur dénomination (et elles sont légion), les groupes informels qui réunissent pour certains des dizaines de milliers de membres sur les réseaux sociaux se la posent ou témoignent d’une certaine agitation. A cet égard le reportage de France Télévisions sur le petit train jaune a particulièrement frappé les esprits car il est apparu comme un point de non-retour en même temps qu’il soulignait une certaine impuissance. On ne peut rien faire contre un tel rouleau-compresseur … Après le méchant rouleau russe (militaire), voici le gentil rouleau occitan (médiatique) …
Pour l’heure, chaque catalan (au sens large d’appartenance à la communauté liée à ce territoire) conscient du problème de l’effacement de son identité profonde se demande ce qu’il pourrait faire au-delà de la protestation convenue. Et les catalans sont ainsi faits que la violence n’est pas dans leurs traditions. Ceux de Catalogne Sud ne cessent de l’illustrer et leur combat, bien que d’une toute autre dimension, est de même nature. Il est question de la survie d’un peuple, aussi vague que puissent en être ses limites actuelles. En ce sens chacun peut faire des propositions, mener des actions symboliques non-agressives, selon ses moyens, dans sa sphère d’influence. Et d’abord résister pour limiter la casse autant que faire se peut …
J’en viens à une proposition que je suis en mesure de faire « professionnellement » pourrais-je dire. Il s’agit d’engager la bataille des signes (pacifique, c’est une métaphore).
L’arme (sémiotique) de destruction massive, c’est le logo de la région, c’est lui que l’on voit partout parce qu’il figure dans les cahiers des charges de toutes ses actions sur tous les territoires. Il ne cesse de multiplier ses occurrences au fur et à mesure que s’ouvrent les chantiers, que se montent des bâtiments, que se célèbrent des évènements patronnés ou sponsorisés par la région, aussi faible que soit sa participation.
Une analyse (objective) rapide montre évidemment que ce logo tient compte de notre présence en occupant la moitié droite de la croix occitane. Cela témoigne d’une certaine bonne volonté. De plus nous pouvons nous reconnaître dans Pyrénées-Méditerranée et nous avons la chance d’avoir les mêmes couleurs que les occitans. Mais la portion est congrue et mal servie ! D’abord les quatre barres de notre senyera sont rouges sur fond jaune. L’identifier nécessite donc une interversion des couleurs dans chaque esprit. Mais ce n’est pas le plus grave. Car nos quatre barres sont indifférenciées, égales. Ici leurs longueurs diminuent jusqu’à se réduire à un point, signe évident d’un affaiblissement, d’un processus de réduction qui se trouve visuellement enregistré. De plus elles s’inscrivent en creux dans l’autre moitié (invisible) de la croix occitane et suggèrent sa présence à l’esprit comme si elle était complète. Pire (et probablement me reprochera-ton d’aller un peu trop loin) mais on peut voir dans cette demi-croix une bouche grande ouverte en train d’avaler une proie affaiblie. On est dans l’ordre de la fantasmagorie bien sûr mais notre cerveau reptilien peut voir des choses comme ça … la preuve …
Alors voici une riposte (sémiotique) radicale qui consiste à rétablir un territoire dans ses droits :
Il m’a suffi de symétriser la portion qui nous était attribuée en recouvrant ce qui lui était opposé. Il fallait aussi faire une concession en conservant Pyrénées-Méditerranée, afin de suggérer son origine et par-là l’intention du concepteur : riposter en réaffirmant notre existence, simplement, pacifiquement.
Quiconque reconnaîtra la pertinence de mon propos et de la réalisation ci-dessus est autorisé à en faire l’usage qui lui semblera bon pour notre communauté de destins.
Jacques Gelin
5 août 2019 à 7 h 05 min
Il y aurait un « compromis » possible où les 12 point(e)s de la croix occitane se répartiraient entre les quatre barres catalanes plus hautes de façon à ne pas être englobées dans le périmètre de la croix virtuelle (je dis ça comme ça).
pragmacom
5 août 2019 à 9 h 52 min
Cela me parait une vue de l’esprit du genre de demander à un paquebot Costa de retourner au port pour changer un drapeau … non il faut lutter sur le terrain avec des armes adaptées afin d’annihiler l’impact visuel chaque fois que c’est possible … quelquefois un bon feutre suffit à inverser une signification. Un exemple (politiquement incorrect) : la pub SNCF contre l’alcoolisme qui représentait un pochard en train de picoler avec son jeune enfant qui lui disait : « Papa ne bois pas [tout] pense à moi ! » On peut aussi coller par-dessus …